En tant que propriétaire, vous collectez chaque mois des provisions pour charges auprès de votre locataire. Une fois par an, vous devez comparer ces provisions aux dépenses réellement engagées : c'est la régularisation des charges locatives.
Cette étape obligatoire consiste à calculer la différence entre provisions payées et charges réelles. Selon le résultat, vous devrez soit réclamer un complément au locataire s'il a payé moins, soit le rembourser s'il a trop payé.
Ce guide vous explique comment identifier les charges récupérables, effectuer le calcul précis, communiquer avec le locataire et gérer les situations particulières comme la régularisation tardive ou après le départ du locataire.
Les charges récupérables (ou charges locatives) sont des dépenses que le propriétaire peut légalement se faire rembourser par le locataire. Elles sont définies par l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989 comme des "dépenses d'entretien courant et des menues réparations sur les éléments d'usage commun de la chose louée".
Contrairement aux charges non récupérables (grosses réparations, travaux d'amélioration, frais de gestion) qui restent à la charge exclusive du propriétaire, les charges récupérables concernent l'usage quotidien du logement.
Catégorie | Exemples |
Services liés au logement | Eau, chauffage collectif, ascenseur |
Entretien courant | Nettoyage des parties communes, petites réparations |
Taxes spécifiques | Taxe d'enlèvement des ordures ménagères (TEOM) |
La liste complète des charges récupérables est fixée par le décret n° 87-713 du 26 août 1987.
👉 Pour plus de détails, consultez nos articles sur les charges locatives en copropriété et les charges locatives en monopropriété.
Note importante : Si l'électricité peut être répercutée sur le locataire dépend du type de location et de certaines conditions spécifiques.
Deux systèmes existent pour la gestion des charges locatives : au réel ou au forfait. Votre choix dépendra du type de location et aura un impact direct sur l'obligation de régularisation.
En location vide, les charges sont obligatoirement au réel, sauf en colocation où un forfait peut être convenu. Cela implique :
Versement mensuel d'une provision pour charges
Régularisation annuelle obligatoire
Fourniture des justificatifs de dépenses au locataire
En location meublée, le propriétaire a le choix :
Charges au réel : même principe que la location vide
Charges forfaitaires : montant fixe défini dans le bail,
sans régularisation possible
Charges au réel :
✅ Facturation exacte des dépenses
✅ Possibilité d'ajuster les provisions
❌ Gestion administrative plus lourde
❌ Risque de contestation lors de la régularisation
Charges au forfait (location meublée uniquement) :
✅ Simplicité de gestion
✅ Aucune régularisation à effectuer
❌ Risque de perte si les charges réelles dépassent le forfait
❌ Indexation limitée à celle du loyer (indice IRL)
Important : Avec un forfait de charges, le propriétaire ne peut jamais réclamer de complément, même en cas de consommation excessive ou de hausse des prix.
La régularisation des charges locatives doit s'effectuer une fois par an pour les locations avec charges au réel, qu'il s'agisse d'un appartement ou d'un logement vide. Voici les points essentiels à connaître pour votre investissement locatif :
Le moment idéal pour régulariser est dès réception du décompte définitif de copropriété, généralement en janvier pour l'exercice précédent (année civile). La loi vous impose d'informer le locataire d'un appartement au moins un mois avant de procéder à la régularisation de charges. Vous pouvez transmettre ce document par mail ou par voie postale.
Depuis la loi ALUR, pour les baux signés après le 27 mars 2014, vous disposez d'un délai de prescription de 3 ans pour régulariser les charges locatives. Ce délai court à partir de la date de réception des justificatifs (généralement le décompte du syndic) et non de la date de paiement des provisions ou du versement de la caution.
Cette réglementation s'ajoute aux autres obligations du propriétaire bailleur. Dans certaines communes, vous devez également respecter les délais pour demander un permis de louer. Découvrez l'article : Quand faut-il demander le permis pour mettre en location pour éviter tout retard dans vos démarches.
Si vous effectuez une régularisation plus d'un an après la date d'exigibilité des charges à payer :
Le locataire peut exiger un étalement du paiement sur 12 mois
Vous ne pouvez pas appliquer la clause résolutoire du bail en cas de non-paiement
Vous risquez des questions ou contestations sur la dernière régularisation
Conseil : N'attendez pas décembre pour régulariser. Une régularisation annuelle régulière permet d'éviter les erreurs et maintient une relation de confiance avec votre locataire. Votre agence immobilière peut vous aider dans cette fonction.
Le calcul de régularisation est simple dans sa forme : comparer les charges réelles aux provisions versées. Voici la méthode pas à pas pour le décompte des charges :
Montant de la régularisation = Charges réelles récupérables auprès du locataire - Montant de la provision versée en avance
Si le résultat est positif : le locataire doit vous verser un complément en euroSi le résultat est négatif : vous devez rembourser le locataire, au contraire de la condition habituelle
Identifiez les charges récupérables dans le décompte annuel fourni par votre syndic
Calculez votre quote-part pour chaque type de charges selon les tantièmes de votre lot
Additionnez toutes les charges récupérables liées à l'exploitation de l'immeuble
Ajoutez la TEOM (Taxe d'Enlèvement des Ordures Ménagères) visible sur votre taxe foncière
Incluez les dépenses de production d'eau chaude sanitaire et de chauffage
Soustrayez le total des provisions versées par le locataire
Type de charges | Dépenses totales | Tantièmes/total | Quote-part |
Chauffage gaz | 2 379,94 € | 1667/4815 | 823,96 € |
Entretien chaudière | 203,30 € | 1667/4815 | 70,38 € |
Eau froide et eau chaude | 1 239,39 € | 1698/10000 | 210,53 € |
Électricité parties communes | 158,50 € | 2001/10000 | 31,71 € |
Frais de concierge | 250,00 € | 1667/4815 | 86,50 € |
TOTAL |
|
| 1 223,08 € |
En ajoutant la TEOM (ex: 57 €), le total des charges récupérables est de 1 280,08 €.
Si le locataire a versé 90 € de provisions mensuelles (1 080 € annuels) comme estimation de la provision, il doit régler la différence : 200,08 €
Pour un locataire présent une partie de l'année seulement :
Charges proratisées = Charges annuelles × (nombre de jours d'occupation ÷ 365)
Astuce : Pour les calculs complexes, remplir chaque ligne et colonne dans un tableur ou utiliser un outil de gestion locative spécialisé qui automatisera ces opérations.
La régularisation des charges nécessite une approche méthodique pour respecter les obligations légales. Voici les étapes essentielles pour votre dossier :
Rassemblez le décompte annuel de charges de copropriété
Récupérez l'état de répartition des charges (tantièmes par lot)
Identifiez la TEOM sur votre avis de taxe foncière
Listez les autres dépenses récupérables payées directement (ex: entretien des espaces extérieurs)
Relevez les données de consommation du compteur d'eau de chaque appartement
Identifiez les charges exclusivement récupérables (frais généraux, entretien des parties communes)
Calculez la quote-part de chaque charge pour votre lot
Additionnez l'ensemble pour obtenir le montant total des charges récupérables
Comparez avec les provisions déjà versées par le locataire d'un appartement
Établissez un décompte détaillé par nature de charges
Si vous êtes en immeuble collectif, préparez une note sur le mode de répartition entre locataires
Pour le chauffage collectif et la fourniture d'eau chaude, incluez les modalités de calcul spécifiques
Vérifiez que toute redevance ou produit est correctement mentionné
Envoyez au locataire le décompte des charges au moins un mois avant la régularisation
Conservez une preuve d'envoi (email, courrier recommandé)
Indiquez clairement le solde (à payer ou à rembourser)
Précisez la date d'exigibilité du paiement (possibilité de régularisation trimestrielle)
Tenez l'ensemble des pièces justificatives à disposition du locataire pendant 6 mois
Organisez ces documents de façon à pouvoir les présenter facilement en cas de demande
Le locataire peut les consulter mais n'a pas droit à des copies (sauf demande spécifique)
Prévoyez un espace pour répondre aux questions sur la dernière régularisation effectuée
En cas de solde positif : encaissez le paiement du locataire
En cas de solde négatif : remboursez le locataire
Émettez une facture ou quittance spécifique pour cette régularisation
Important : Documentez précisément chaque étape de la régularisation des charges locatives. En cas de contestation, vous devrez être en mesure de justifier l'ensemble de vos calculs et démarches.
Voici un modèle de lettre complet pour notifier la régularisation des charges à votre locataire. Cette lettre doit être envoyée au moins un mois avant d'effectuer la régularisation effective.
[Vos nom et prénom] [Votre adresse] [Votre téléphone/email]
[Nom et prénom du locataire] [Adresse du logement loué]
À [Lieu], le [Date]
Objet : Régularisation annuelle des charges locatives
Madame, Monsieur,
En tant que propriétaire du logement situé au [adresse complète du logement], que vous occupez depuis le [date de début du bail], je vous informe par la présente de la régularisation annuelle des charges locatives.
Période concernée : du [date de début] au [date de fin]
Détail de la régularisation : - Montant total des provisions versées sur la période : [montant] € - Montant total des charges réelles récupérables : [montant] € - Différence à [régulariser/rembourser] : [montant] €
[OPTION 1 - si solde en faveur du propriétaire] Je vous remercie de bien vouloir me régler cette somme de [montant] € dans un délai d'un mois à compter de la réception de ce courrier, soit par virement bancaire sur mon compte habituel, soit par chèque à mon ordre.
[OPTION 2 - si solde en faveur du locataire] Je vous rembourserai cette somme de [montant] € par [virement/chèque/déduction sur votre prochain loyer] dans les prochains jours.
[OPTION 3 - ajustement des provisions] Suite à cette régularisation, et afin d'éviter un écart trop important l'année prochaine, la provision mensuelle pour charges sera désormais fixée à [nouveau montant] € à compter du [date], en supplément du loyer.
Conformément à la loi, vous trouverez ci-joint le décompte détaillé par nature de charges. L'ensemble des pièces justificatives des dépenses est tenu à votre disposition pendant six mois à compter de l'envoi de ce courrier. Vous pouvez les consulter [préciser le lieu : à mon domicile/au bureau du syndic/etc.] sur rendez-vous.
Je reste à votre disposition pour tout renseignement complémentaire et vous prie d'agréer, Madame, Monsieur, l'expression de mes salutations distinguées.
[Signature]
✅ Identification précise de la période concernée
✅ Montant détaillé des provisions et des charges réelles
✅ Différence exacte à payer ou à rembourser
✅ Mention des justificatifs disponibles pendant 6 mois
✅ Si vous modifiez le montant des provisions futures, indiquez clairement le nouveau montant et sa date d'application
Conseil : Sans être obligatoire, l'envoi en recommandé avec accusé de réception peut être judicieux pour les régularisations importantes ou en cas de relations tendues avec le locataire.
La régularisation annuelle est le moment idéal pour réévaluer les provisions mensuelles demandées à votre locataire. Une bonne anticipation vous évitera d'avancer trop d'argent et limitera les régularisations importantes.
Comparez les charges réelles sur plusieurs années consécutives
Identifiez les postes qui connaissent des hausses régulières (énergie, eau)
Tenez compte des augmentations annoncées des prix (gaz, électricité, services)
Observez les variations saisonnières (chauffage plus élevé certains hivers)
Une formule simple pour déterminer une provision mensuelle adéquate :
Nouvelle provision mensuelle = (Charges réelles de l'année écoulée × Facteur d'évolution) ÷ 12
Où le facteur d'évolution est généralement compris entre 1,02 et 1,05 (augmentation de 2% à 5%).
Travaux programmés en copropriété qui impacteront les charges
Changements réglementaires (nouvelles taxes, normes énergétiques)
Modifications du logement ou de ses équipements
Changements dans la composition du foyer du locataire
Expliquez clairement les raisons de l'ajustement des provisions
Fournissez un comparatif entre anciennes et nouvelles charges
Montrez que cette révision est dans l'intérêt des deux parties (éviter une régularisation importante)
Formalisez ce changement dans un avenant ou une notification écrite
Conseil pratique : Une augmentation des provisions de 5 à 10% est généralement bien acceptée par les locataires si elle est justifiée par l'évolution réelle des charges constatée lors de la régularisation.
Après avoir effectué la régularisation, vous pouvez modifier le montant des provisions collectées mensuellement. Bien que non obligatoire, cet ajustement est recommandé pour éviter des écarts trop importants lors des futures régularisations.
Lorsque l'écart entre provisions et charges réelles dépasse 20%
En cas de hausse significative des tarifs des services (énergie, eau)
Suite à des travaux dans la copropriété impactant les charges
Après un changement d'équipements (chaudière, compteurs individuels)
Calculez le nouveau montant mensuel basé sur les charges réelles
Notifiez le locataire par écrit du montant ajusté
Précisez la date d'application du nouveau montant
Justifiez cette modification en détaillant les postes concernés
Le réajustement ne nécessite pas d'avenant au bail (contrairement à une révision de loyer)
La notification peut se faire dans le courrier de régularisation
Le nouveau montant doit apparaître clairement sur les quittances de loyer
Il n'existe pas de plafond légal d'augmentation des provisions
Suite à la régularisation des charges pour l'année [année], et conformément à l'article 23 de la loi du 6 juillet 1989, je vous informe que la provision mensuelle pour charges sera ajustée à [montant] € à compter du [date]. Cette réévaluation de [x%] est justifiée par l'augmentation des coûts constatée sur [préciser : chauffage, eau, etc.] et permettra d'éviter une régularisation importante l'année prochaine.
Attention : Si le locataire conteste ce réajustement, proposez-lui de consulter les justificatifs des charges et expliquez votre méthode de calcul de manière transparente.
Lorsque le locataire quitte le logement, la régularisation des charges peut poser problème car vous n'aurez peut-être pas encore reçu le décompte définitif.
Vous pouvez conserver légalement jusqu'à 20% du dépôt de garantie pour couvrir la future régularisation
Cette retenue doit être mentionnée explicitement dans l'état des lieux de sortie
Le solde du dépôt doit être restitué dans un délai de 1 mois (état des lieux conforme) ou 2 mois (état des lieux non conforme)
Pour un locataire parti en cours d'année, calculez les charges au prorata de sa présence :
Charges dues = Charges annuelles récupérables × (Nombre de jours d'occupation ÷ 365)
Pour simplifier la gestion, vous pouvez insérer dans le bail une clause de renonciation mutuelle à la régularisation après départ
Cette clause évite de devoir rechercher l'ancien locataire pour de petits montants
Attention : certains juges peuvent considérer cette clause comme abusive si elle est déséquilibrée
Si vous devez contacter un ancien locataire pour une régularisation importante :
Utilisez ses coordonnées de contact fournies lors de l'état des lieux de sortie
Envoyez un courrier à sa nouvelle adresse s'il vous l'a communiquée
En dernier recours, vous pouvez solliciter un huissier pour le retrouver
Une régularisation est considérée comme tardive lorsqu'elle intervient plus d'un an après la date d'exigibilité des charges (généralement la date de réception du décompte annuel).
Depuis la loi ALUR, vous disposez d'un délai de 3 ans pour réclamer des charges impayées
Ce délai court à partir de la date de réception des justificatifs (arrêté des comptes)
Passé ce délai, vous ne pouvez plus réclamer ces sommes
Face à une régularisation tardive, le locataire bénéficie de protections :
Droit d'exiger un étalement du paiement sur 12 mois sans frais
Impossibilité pour le bailleur d'appliquer la clause résolutoire du bail
Droit à une information complète sur les charges et leur calcul
Une régularisation trop tardive peut être jugée déloyale si elle crée une surprise financière importante
Le juge peut annuler la régularisation ou la réduire si elle résulte d'une négligence du bailleur
Plusieurs cas de jurisprudence ont invalidé des régularisations tardives de plusieurs années
Jurisprudence : La Cour d'appel de Riom a confirmé qu'une régularisation tardive ne justifie pas l'annulation complète de la provision pour charges (CA Riom, 2023).
Lorsque le locataire ne règle pas le montant de la régularisation, vous disposez de plusieurs recours.
Lettre de relance simple puis mise en demeure
Proposition d'un échéancier de paiement si difficultés temporaires
Saisine de la commission départementale de conciliation
Recours au tribunal en cas d'échec des démarches amiables
Si le bail comporte un garant solidaire, vous pouvez lui réclamer directement le paiement
Vérifiez que l'acte de cautionnement mentionne explicitement les charges locatives
Le garant bénéficie des mêmes droits que le locataire (consultation des justificatifs)
Pour les régularisations importantes (>1000€) après départ :
Envoyez une mise en demeure par lettre recommandée
En l'absence de réponse, vous pouvez engager une procédure judiciaire
Évaluez le rapport coût/bénéfice : les frais de procédure peuvent dépasser le montant réclamé
Conseil pratique : Si vous venez d'acquérir un bien dans une zone soumise au permis de louer, n'oubliez pas que cette obligation aura un impact sur votre budget. Renseignez-vous sur le prix d'un permis de louer pour intégrer ce coût dans vos calculs de charges et de rentabilité.